Voilà une nouvelle qui n’a pas trop été relayée encore dans les blogs écolo au repos cet été… “les espèces les plus proches de l’homme - les singes, les grands singes et autres primates du monde - sont en train de disparaître à cause de la perte de leur habitat et de la chasse. Certaines sont littéralement dévorées jusqu’à l’extinction. La première revue exhaustive en cinq ans des 634 espèces mondiales de primates a montré que près de 50% d’entre elles sont en danger d’extinction, selon les critères de la Liste rouge des espèces menacées de l’UICN“, nous apprend l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature.
Le rapport a été rédigé par les plus grands experts mondiaux sur les primates et rendu public lors du 22ème Congrès de la Société internationale de primatologie à Edinbourg en Écosse. Il dresse un portrait effrayant de l’état des primates partout dans le monde. Ainsi, en Asie, plus de 70% des espèces de primates sont citées sur la Liste rouge de l’UICN dans les catégories “vulnérable”, “en danger” ou “en danger critique d’extinction”, ce qui signifie qu’elles peuvent disparaître à tout jamais dans un futur proche. Comme le précise Hervé Kempf dans cet article du Monde, “selon la nomenclature adoptée pour la liste rouge de l’UICN, 69 espèces et sous-espèces sont en “danger critique” d’extinction, 137 en “danger” et 97 “vulnérables”. De plus, les données manquent pour 91 espèces, dont certaines pourraient être en danger”.
Pourquoi?
Pour Jean-Christophe Vié, Directeur adjoint du programme sur les espèces de l’UICN, “les primates sont dans une situation dramatique. Ces animaux, qui sont les plus proches de l’homme, sont les plus menacés de tous (…) La déforestation est la première cause de mise en danger des animaux. Quand leur habitat a disparu, ils n’ont plus de chance de survie.” A mettre en cause dans la disparition des habitats? Les incendies et l
e défrichement des forêts tropicales, qui sont également la cause d’au moins 20% des émissions de gaz à effet de serre à l’origine des changements climatiques.
En ce qui concerne la chasse des primates, elle est souvent effectuée pour l’alimentation (surtout en Afrique) et le commerce illégal de la faune sauvage (souvent en Asie). Sans oublier la capture de petits primates pour servir d’animaux de compagnie, qui se développe et constitue un nouveau péril nous rappelle Hervé Kempf.
Pour Russell A. Mittermeier, président de Conservation International (CI) et président de longue date du Groupe de spécialistes des primates de la Commission de la sauvegarde des espèces de l’UICN, “depuis plusieurs années, nous avons tiré le signal d’alarme sur la situation des primates, mais nous disposons aujourd’hui de données concrètes qui montrent que la situation est beaucoup plus grave que celle que nous avions imaginée. La première source de menace a toujours été la destruction de la forêt tropicale, mais il semble aujourd’hui que la chasse est une menace tout aussi grave dans certaines régions, même lorsque l’habitat y est encore intact. À certains endroits, les primates sont littéralement dévorés jusqu’à l’extinction.”
L’étude sera rendue public lors du Congrès mondial de la nature de l’UICN à Barcelone en octobre. Elle a mobilisé des centaines d’experts mondiaux (environ 400 primatologues) et montre que les primates sont surtout menacés au Vietnam et au Cambodge (environ 90% des espèces y sont menacés d’extinction), Indonésie, Laos et Chine. Pour Jean-Christophe Vié, “ce qui se passe en Asie du Sud-est est terrifiant. Une telle situation, où un groupe d’animaux soit aussi menacé, est inédite au sein d’autres groupes d’espèces.
Selon Richard Wrangham, président de l’IPS (International Primatological Society) “parmi les espèces africaines, ce sont les grands singes comme les gorilles et les bonobos qui ont généralement canalisé l’attention. Même si ces espèces sont très menacées, ce sont les plus petits primates comme les colobes bais qui pourraient disparaître en premier”.
Un espoir?
Il est inutile de rappeler le rôle des primates pour la santé de leurs écosystèmes. A travers la dispersion des graines et d’autres interactions avec leur environnement, ils contribuent au maintien de la vie de nombreuses espèces végétales et animales des forêts tropicales du monde. Des forêts en bonne santé fournissent des ressources essentielles aux populations humaines locales tout en absorbant et en stockant du dioxyde de carbone à la source des changements climatiques.
Mais sachez que la recherche sur les primates progresse tous les jours: depuis 2000, 53 espèces de primates jusque là inconnus pour la science ont été décrits - 40 de Madagascar, deux primates d’Afrique, trois d’Asie et huit d’Amérique du Centre et du Sud. En 2007, des chercheurs ont trouvé une population, qui avait fait longtemps l’objet de nombreuses rumeurs, de grands hapalémurs (Prolemur simus), une espèce en danger critique d’extinction, dans une zone humide située à 400 kilomètres du seul territoire connu de l’espèce. Cette espèce compte au total environ 140 individus à l’état sauvage.
Qui plus est, comme le souligne Hervé Kempf en citant Russell Mittermeier, président du groupe primates de l’UICN et président de Conservation International, une des organisations qui ont financé l’étude: il y a certes un risque de disparition de plusieurs espèces dans les cinq à dix ans, mais à la différence d’autres ordres de mammifères, nous n’avons pas perdu une seule espèce de primates depuis 1900.
En somme, les chercheurs savent ce qu’il faut faire pour sauver les primates. Les chiffres ne sont pas irréversibles, mais il leur manque les ressources nécessaires: “Si vous avez des forêts, vous pouvez sauver les primates,” affirme Anthony Rylands, chercheur à CI et vice-président du Groupe de spécialistes des primates de l’UICN. “Le travail entrepris avec les tamarins-lions montre que la conservation des fragments forestiers et le reboisement pour créer des corridors entre ces fragments ne sont pas seulement essentiels pour les primates mais contribuent fortement au maintien d’écosystèmes en bonne santé et des ressources en eau, tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre à l’origine des changements climatiques.” En Chine, le gibbon de Hainan (le primate sans doute le plus rare du monde) est passé de douze individus vivants il y a dix ans à… dix-neuf aujourd’hui.
N’oublions pas néanmoins le massacre de 8 gorilles de montagne qui a eu lieu l’été dernier à l’est de la République démocratique du Congo, remettant en danger cette espèce que l’on pensait tirée d’affaire…
Que faire?
Selon M. Mittermeier, l’écotourisme est un instrument efficace pour favoriser la survie des espèces, en la rendant profitable aux communautés humaines vivant à proximité. Un exemple des bienfaits de l’éco-tourisme sur la préservation des espèces est d’ailleurs consultable sur le fabuleux site 80 hommes, au sujet des Tortues marines de la côte brésilienne. De plus, les dispositifs de protection de la forêt qui commencent à se mettre en place dans le cadre du protocole de Kyoto paraissent un outil prometteur.
Dans une étude récente publiée dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences américaine (PNAS) du 12 août, les biologistes américains Paul Ehrlich et Robert Pringle estiment il est encore possible de freiner ce déclin des espèces… à condition de prendre plusieurs mesures radicales sur le plan mondial: “l‘avenir de la biodiversité pour les dix prochains millions d’années sera certainement déterminé dans les cinquante à cent ans à venir par l’activité d’une seule espèce, Homo sapiens, vieille de seulement 200 000 ans. Si l’on considère que les espèces de mammifères - dont nous faisons partie - durent en moyenne un million d’années, cela place Homo sapiens au milieu de l’adolescence. Or cet “ado” mal dégrossi, “narcissique et présupposant sa propre immortalité, a maltraité l’écosystème qui l’a créé et le maintient en vie, sans souci des conséquences”…
Plus concrètement, un changement profond dans les mentalités doit être insufflé, de façon à porter un autre regard sur la nature: l’idée que la croissance économique est indépendante de la santé de l’environnement et que l’humanité peut étendre indéfiniment son économie est une dangereuse illusion“. Maîtrise de l’expansion démographique, diminution de notre surconsommation de ressources naturelles figurent dans les solutions proposées par les chercheurs.
Autre proposition: évaluer le coût des services offerts par la nature (matières premières, systèmes naturels de filtration des eaux, stockage du carbone par les forêts, prévention de l’érosion et des inondations par la végétation, pollinisation des plantes par des insectes et des oiseaux) et l’intégrer dans les calculs économiques pour assurer leur protection.
Des fondations privées dédiées à la conservation peuvent aussi financer le développement des zones protégées. Au Costa Rica par exemple, un fonds de ce genre, Paz con la naturaleza, a drainé 500 millions de dollars, somme qui servira à financer le système de conservation du pays, nous rappelle Christianne Galus dans cet article du Monde. “On peut aussi associer plus étroitement pasteurs et agriculteurs à la préservation de la biodiversité, en évitant de leur imposer des décisions sur lesquelles ils n’ont pas prise, et à condition qu’ils y trouvent leur compte. Cela passe par des explications et une meilleure éducation dans ce domaine. Mais rien n’empêche aussi de restaurer les habitats dégradés” ajoute-t-elle.
Cependant, les deux chercheurs s’inquiètent du divorce croissant, dans les pays industrialisés, entre la population et la nature, divorce dû selon eux à l’utilisation intensive du multimédia: “aux Etats-Unis, la montée des médias électroniques a coïncidé avec une baisse importante des visites des parcs nationaux, après cinquante ans de croissance ininterrompue,” soulignent-ils…
Source:ecolo-info
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